Catherine NOLF
Bioconsultants | Directrice 

Les LBM – Laboratoires de biologie médicale ont connu un parcours qualité imposé dès 1994. Du GBEA-Guide de bonnes exécution des analyses, à la démarche volontaire de certains visionnaires, en passant par une prise en main par la profession, ce parcours de vingt ans a permis aux LBM de mieux appréhender les mesures réglementaires opposables dans ce domaine à échéance de 2020. Les retours d’expériences de cette profession confrontée à ce challenge, constituent des points de réflexions pour le développement de la démarche qualité dans d’autres secteurs de la santé comme l’imagerie médicale.

1994 : Les débuts de la qualité en LBM

Les laboratoires de biologie médicale ont connu de grands changements ces deux dernières décennies et plus particulièrement en matière de démarche qualité. Rappelons qu’en 1994, les LBM étaient principalement des mono-sites intégrant un plateau technique, parfois en groupe jusqu’à cinq sites, mais cela était très disparate suivant les régions. On recensait environ 4 800 LBM en France, 4 000 privés et 800 hospitaliers.

A la parution du GBEA – Guide de bonne exécution des analyses – au Journal Officiel, les biologistes se sont laissés « surprendre ». Ce texte redéfinissait le rôle du biologiste avec une vision plus large de management de la qualité, tant sur le plan technique pure, que sur les activités supports. Effectivement, cela a impacté le pré-analytique qui comprend toute les démarches avant analyse : prélèvements, identifications, transports… et le post – analytique, après analyse : rendu de résultat, gestion des déchets… Le GBEA posait les premières pierres de la démarche qualité.

La grande nouveauté pour les biologistes était de mettre en place un système d’assurance qualité avec en préambule, la création d’une gestion documentaire. Cette approche qualité, bien que déjà très présente dans l’industrie, était complètement nouvelle en santé.

A la demande des biologistes, de nombreuses formations sur les bases de la qualité ont vu le jour. Ce sont les premiers échanges avec les sociétés d’accompagnement qualité. Il a d’abord fallu rassurer la profession : le travail réalisé était déjà un travail de qualité. Toutefois, il fallait maintenant l’harmoniser entre tous les acteurs du LBM pour valider la qualité du résultat rendu en se rapprochant du plus haut niveau d’exactitude et de fiabilité.

1999 : Réaction d’une profession qui se « prend en main »

Des biologistes visionnaires, en recherche d’une reconnaissance, d’un « label » qualité, se sont engagés dans une démarche d’accréditation NF EN ISO 17025 avec l’organisme évaluateur COFRAC (1). Déjà en 1999, les premiers LBM ont été accrédités sur la base du volontariat.

Parallèlement, les trois syndicats de biologistes privés, conscients des enjeux pour l’avenir de la profession, ont décidé de fonder ensemble BIO QUALITE : La qualité « par les biologistes, pour les biologistes » était née.

En 2002, cette association propose une démarche qualité à tous les LBM privés de France (en s’ouvrant quelques années plus tard aux LBM hospitaliers, suite à leur demande).

La base de la démarche était simple : la coopération entre structures, la mise en place de binômes de biologistes inter-laboratoires, la création d’une base documentaire. En parallèle, BIO QUALITE s’associe à quatre cabinets de consultants, dont Bioconsultants, qui animent les formations et réalisent l’accompagnement personnalisé par des visites sur site. Le nouveau métier de « qualiticien » est créé pour cette branche et s’inscrit même dans la classification de la convention collective ! Le GBEA était toujours un texte opposable mais la démarche d’accréditation des LBM va s’appuyer sur les normes NF EN ISO 17025 puis NF EN ISO 15189.

Rapidement, près de 3 000 LBM entrent dans la démarche en adhérant à BIO QUALITE. Le LBM entre dans un groupe régional. Il suit alors des cycles comprenant des auto évaluations, des formations, des visites de consultants, des visites croisées entre binômes inter-laboratoires.

BIO QUALITE a permis à la grande majorité des LBM de s’initier à la « philosophie qualité », d’en comprendre les outils, de travailler en équipe avec des référents qualité, d’harmoniser les pratiques internes au LBM, d’échanger entre confrères.

Cela a changé les habitudes, en permettant aux intervenants extérieurs d’intervenir dans les structures en réalisant des prestations de conseil et des formations, puis en effectuant des audits.

BIO QUALITE a été « l’auto-école de l’accréditation » pour les LBM. Elle a permis d’amener l’ensemble des LBM à franchir le premier palier en enclanchant la démarche d’accréditation.

Dès 2006 : L’évolution en qualité pour les LBM et les nouvelles obligations réglementaires

Une nouvelle norme d’accréditation se construit pour les LBM, NF EN ISO 15189 est applicable en France dès 2007. Cette fois, cette norme, toujours évaluée par le COFRAC, est spécifique aux LBM.

En 2006, un rapport de l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) montre que la qualité moyenne des LBM était bonne mais avec quelques insuffisances. Une réforme s’annonce pour cette profession. En 2008, Michel Ballereau présente le rapport « pour un projet de réforme de la biologie médicale ». S’en suit l’ordonnance relative à la biologie médicale du 13 janvier 2010 et la loi du 30 mai 2013 qui réforment en profondeur de nombreux domaines et particulièrement la qualité.

En 2013, une nouvelle échéance règlementaire qualité s’applique aux biologistes leur laissant deux options : être accrédité partiellement selon NF EN ISO 15189 avec une évaluation COFRAC, ou bien être « qualifié BIO QUALITE » avec une visite de constat et un questionnaire d’évaluation validée par l’AFNOR (2).

Le LBM doit alors prouver l’existence de son système qualité. Pour ceux qui avaient déjà avancé dans leur système qualité aux côtés de BIO QUALITE ou bien via le COFRAC, cette obligation passe plus en douceur. Toutefois, pour les biologistes qui n’avaient pas pris le virage de la qualité, la marche d’accès est plus difficile, les besoins d’accompagnement sont très importants avec des délais très courts.

Et depuis 2016, plus de choix possibles, les LBM ont une obligation d’accréditation selon NF EN ISO 15189 sur 50% de leur activité.

Aujourd’hui, alors que tous les LBM sont accrédités, la démarche n’est pas terminée, une évaluation du COFRAC a lieu tous les douze mois. Il faut faire vivre le système et l’améliorer en permanence. Aujourd’hui, la qualité s’intègre dans le travail de routine du LBM.

La qualité a été crainte et ressentie telle une contrainte dans un premier temps : « est ce que je travaille mal, je vais devoir changer mes habitudes, je ne veux pas de visites de personnes externes à mon laboratoire… » Il y a vingt ans, aucun biologiste n’aurait imaginé arriver à un tel niveau d’exigence. La qualité a permis d’optimiser et d’harmoniser les pratiques, de mieux manager les structures. Les LBM se sont massivement regroupés : en privé, de 4 000 LBM, on compte aujourd’hui moins de 1 000 entités juridiques, même si le nombre de sites n’a pas diminué.

La démarche qualité a été un des outils de la réorganisation des LBM et a permis d’optimiser les pratiques.


(1) Comité français d’accréditation
(2) Association française de normalisation