La norme volontaire NF S99-300 « Démarche qualité en imagerie médicale », publiée l’année dernière, est désormais portée sur la table de normalisation européenne. elle couvre la prise en charge du patient, à qui elle vise à garantir la pertinence et la qualité des actes et la sécurité des pratiques tout au long de son parcours, et doit permettre d’évaluer, sous forme d’audit externe par les pairs, l’organisation et la compétence d’une structure d’imagerie médicale.
La norme NF S 99-300 aborde la qualité en imagerie médicale tout au long du parcours du patient, de la prise de rendez- vous à la remise des résultats. Elle entend par imagerie médicale (IM) les activités d’imagerie médicale à visée diagnostique et d’imagerie médicale pour le guidage et le contrôle de pratiques interventionnelles (dont celles réalisées au bloc opératoire) utilisées à visée préventive, diagnostique, thérapeutique et de suivi. Les actes concernés sont réalisés chez l’homme, du fœtus à la personne âgée. La norme couvre aussi les actes de télé-imagerie. Son objectif est de permettre d’évaluer, via des audits externes par les pairs, l’organisation et la compétence d’une structure d’imagerie médicale.
La qualité en imagerie médicale fait l’objet d’actions depuis une vingtaine d’années. Les radiologues libéraux ont été à l’origine d’un premier référentiel, Labelix, sur lequel ils peuvent s’appuyer pour faire reconnaître la qualité de leurs prestations et améliorer leurs pratiques.
La norme marque une nouvelle étape : « C’est un document très important pour notre profession, considère Jean-Charles Leclerc, radiologue libéral à Saint-Dizier (Haute-Marne), secrétaire général de la Fédération Nationale des Médecins Radiologues (FNMR), vice-président de la Société Française de Radiologie (SFR) et président de la commission de normalisation Démarche qualité en imagerie médicale. C’est une démarche volontaire qui vise à améliorer la prise en charge du patient tout au long de son parcours lorsqu’il fait un examen d’imagerie, à lui garantir un certain niveau de sécurité – il y a des enjeux forts en termes d’hygiène, de radioprotection, mais aussi de gestion des systèmes informatiques ».
À l’échelon européen, des dispositions réglementaires (directive Euratom 2013/59) imposent aux différents États membres de mettre en place des audits par les pairs. Chaque État est libre de l’organisation de ces audits, qui doivent être réalisés par des professionnels, des radiologues et manipulateurs qui se rendent dans les cabinets et services d’imagerie médicale pour dresser un état des lieux des pratiques. « On est dans le domaine de l’audit bienveillant et du conseil, pas dans le domaine de l’inspection, qui est géré par des agences d’État, avec cependant la volonté de signaler des manquements graves si des pratiques non conformes étaient relevées, commente Jean-Charles Leclerc. Pour mettre en place ces audits, on a besoin d’un référentiel. »
La profession a donc souhaité être proactive « en rédigeant un référentiel “officiel”, une norme ». Un référentiel préexistant, écrit par des médecins, a été intégralement repris sous l’égide de la Direction Générale de la Santé (DGS) et de l’Afnor2, en associant l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN). Ces travaux ont duré trois ans pour aboutir à un premier document, une Afnor Spec, puis, après constitution d’une commission de normalisation et élargissement du tour de table (associations de patients et d’usagers, fédérations hospitalières, agences régionales de santé…), à la norme homologuée publiée en juillet 2021. Ce qui a coupé court à d’autres approches, comme celle du Comité français d’accréditation (Cofrac), qui avait des velléités de transposer à l’imagerie médicale la norme Iso 15189 sur les laboratoires de biologie médicale et son dispositif d’accréditation.
La première étape étant réalisée, « la deuxième étape, celle sur laquelle nous travaillons aujourd’hui, c’est le dispositif d’audit, expose Jean- Charles Leclerc. Nous élaborons avec la DGS la grille d’audit qui sera utilisée par les auditeurs, basée sur la norme NF S 99-300 : ce que doit vérifier l’auditeur, sur quels critères, les éléments les plus importants, ceux qui feront l’objet d’une non-conformité mineure ou majeure, les procédures écrites obligatoires, la mise en œuvre des audits… » Sont aussi traités la conception du dispositif et le fonctionnement du dispositif de formation des auditeurs, la gestion logistique, assurés par le Conseil National Professionnel (CNP). Les premiers audits devraient débuter fin 2023.
Qualité des pratiques
« Le cœur de la norme, c’est la prise en charge du parcours du patient, détaille Jean-Charles Leclerc. Elle couvre la prise de rendez-vous à l’accueil comme certaines règles de confidentialité la validation de la demande d’examen, obligatoire dans le domaine de la radioprotection (notion de pertinence). Ensuite, il y a tout ce qui concerne la réalisation de l’acte, l’interprétation, le compte rendu, la transmission du résultat au patient et au médecin qui a demandé l’acte, l’archivage. La norme couvre le champ de la radiologie interventionnelle : l’IM, c’est aussi utiliser des techniques d’imagerie pour mettre un cathéter dans un vaisseau afin d’arrêter un saignement, détruire des tumeurs à l’aide d’aiguilles qu’on positionne sous scanner ou sous échographie… On utilise des techniques moins invasives que celles de la chirurgie classique. »
Un autre volet important développé dans la norme concerne la téléradiologie, les interprétations à distance. « Un examen réalisé dans un hôpital ou un centre d’imagerie ne sera pas forcément interprété sur place, explique Jean- Charles Leclerc. La téléradiologie se développe, il est nécessaire d’encadrer ces pratiques, d’être sûr qu’un examen réalisé dans ce cadre réponde aux mêmes exigences de qualité que si le médecin radiologue était sur place. »
La norme comporte en outre des éléments sur le système qualité : comment mettre en place un système qualité, traiter la gestion documentaire, la déclaration des événements indésirables… « La mise en place d’une assurance qualité est d’obligation réglementaire depuis le 1er juillet 2019, suite à une décision de l’ASN qui est aussi une émanation de la directive européenne déjà citée, indique Jean-Charles Leclerc. Aujourd’hui, tout centre d’imagerie qui utilise les rayons X doit mettre en place une démarche qualité. » La décision fixe les règles, pas la façon de les mettre en place ; tout ce volet a été intégré dans la norme NF S 99-300. C’est aussi un guide pour montrer aux centres et services d’imagerie des axes d’amélioration, dans l’esprit de la norme Iso 9001.
L’échelon européen
Pourquoi porter cette norme au niveau européen ? « Il s’agit d’abord de protéger notre travail et d’éviter qu’un autre pays nous prenne de vitesse », répond Jean-Charles Leclerc. L’Allemagne et la Grande Bretagne, par exemple, disposent de documents. « La vision de l’imagerie médicale en Europe est assez variable d’un pays à l’autre. Nous considérons que l’IM est un acte médical à part entière, notamment dans le champ de la téléradiologie. Nous souhaitons vraiment qu’un examen réalisé en téléradiologie réponde à des règles précises, notamment quant à l’étape de validation de la demande. Nous souhaitons aussi qu’un examen soit réalisé dans les mêmes conditions et que l’interprétation soit effectuée par des médecins qualifiés. »
D’autres pays au sein de l’Union favorisent une approche « services » et libre circulation plutôt qu’une approche « santé ». « Porter notre norme et notre vision au niveau européen est très important pour éviter une libéralisation à outrance de l’interprétation tous azimuts des examens d’imagerie », ajoute-t-il.
En outre, des règles communes pour les audits peuvent être utiles, même si chaque pays est responsable de la façon de les mettre en œuvre. S’il existe déjà un guide européen sur la méthodologie des clinicat audits, il n’y a aucun référentiel pour harmoniser les pratiques, comme l’a constaté la Société Européenne de Radiologie. « Nous avons fait preuve de beaucoup de pédagogie, notamment auprès de nos collègues européens, expliqué que notre démarche est complémentaire de ce qui existe », souligne Jean-Charles Leclerc. Au final, le vote a été positif, et six pays sont membres P (participants) : Autriche, Finlande, Suède, Suisse, Turquie et bien sûr France. « Le comité technique européen Cen/TC 470 sur la démarche qualité en imagerie médicale tout au long du parcours du patient tient sa première réunion en France le 20 octobre », indique Ornella Donineaux, chef de projet à Afnor Normalisation. « Le document mis sur la table au départ est la norme française, tout est ouvert pour prendre les bonnes idées et l’enrichir », conclut Jean-Charles Leclerc, qui devrait prendre la présidence de ce comité technique.